mercredi 8 juin 2016

SUR LA ROUTE DES ESCLAVES DU BÉNIN À HAÏTI




Pour tous ceux qui veulent comprendre Haïti et la richesse de son histoire, l’occasion d’un voyage au Bénin permet d’appréhender le sort des esclaves envoyés depuis le royaume de Dahomey (Bénin actuel) dans les Caraïbes, leur culture et les rites qui perdurèrent de l’autre côté de l’Atlantique, comme le vaudou. C’est attirée par cette Histoire que je posais mon sac à dos à Ouidah, sur la côte béninoise, à 40 km à l’ouest de Cotonou.


Nous étions au mois de juin et l’année scolaire touchant à sa fin, les cars d’écoliers affluaient de tout le pays pour les habituelles visites historiques. Ouidah, ville autrefois négrière, est une étape obligatoire sur leur parcours. Le musée d’histoire et la Route des esclaves, mise en valeur avec l’aide de l’Unesco, sont propices aux éclairages historiques, dans un profond silence tant le parcours est poignant.


La Route des esclaves débute par sur la place des enchères, où les hommes et les femmes étaient rassemblés pour être vendus ou échangés. Ce marché fut organisé par le puissant roi d’Abomey, le roi Ghézo, gourmand en marchandises proposées par les colons français, anglais et portugais. Quand les prisonniers et les ennemis ne suffirent plus à faire face à la demande, il fit capturer beaucoup d’hommes et de femmes dans son propre royaume.


En sortant de la ville, les hommes tournaient neuf fois et les femmes sept fois autour de l’Arbre de l’Oubli, symbolisant l’état amnésique des esclaves devant oublier leur passé pour devenir des êtres sans volonté, et donc sans aucune velléité de rébellion. La case de Zomaï était l’étape suivante, où les esclaves étaient enfermés dans d’effroyables conditions et dans un noir total. Zomaï signifie sans feu ni lumière. Cet enfermement était destiné à ne garder que les esclaves les plus robustes, afin de les préparer à la traversée dans les cales des bateaux.


Le mémorial Zounbodji se dresse sur l’ancien cimetière des esclaves, où étaient ensevelis ceux qui n’avaient pas résisté à ces mauvais traitements. Des ossements et chaînes découverts lors d’une fouille de l’Unesco en 1992 sont visibles au musée d’histoire de Ouidah.


Contrairement à l’Arbre de l’Oubli, l’Arbre du Retour est resté intact depuis le XVIIe siècle. Les esclaves devaient en faire trois fois le tour pour retrouver leur mémoire. Aujourd’hui, des danses des revenants se pratiquent régulièrement autour de cet arbre sacré.


Le long de la Route, des bas-reliefs en retracent les étapes, et témoignent également de la lutte pour l’indépendance et l’abolition de l’esclavage. Haïti y est mis en avant avec deux faits majeurs :


– le pacte de Bois-Caïman, pacte d’origine vaudou conclu par les esclaves révoltés qui menèrent l’insurrection contre l’armée de Napoléon, dont la lutte se solda par l’indépendance d’Haïti en 1804 ;


– L’arrestation de Toussaint Louverture par l’armée du Général Charles Leclerc, transféré au Fort de Joux dans le Jura où il mourra en 1803.



La Route se termine sur la plage de Djegbadji où les esclaves étaient embarqués dans les bateaux pour Haïti, mais aussi Cuba et le Brésil. 20% d’entre eux allaient mourir durant la traversée.

La Porte du Non-Retour a été érigée en 1992 pour témoigner de cette ultime étape. Des fétiches se dressent de part en part de la Porte afin d’accueillir les esprits revenus sur leur terre, symbolisant le lien qui demeure entre l’Afrique et les pays où les esclaves furent envoyés.


La notion de retour est très forte au Bénin, et ne concerne pas uniquement les âmes des ancêtres. En attestent les «Brésiliens», surnom des descendants d’esclaves affranchis revenus en Afrique dès le XVIIIe siècle qui forment une solide communauté.


A l’évocation de mes liens avec Haïti, tous m’expliquèrent que les Béninois étaient majoritairement pour un droit au retour des Haïtiens qu’ils considèrent comme «leurs frères».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire